- N°O
SOLDE
- N°1
CARNAVAL
BASSE-COUR
Si la fracture entre la Haute et la Hotte est si saillante,
c’est que ces deux pans de la société sont maîtres (et donc concurrents) dans le
même art : celui de faucher le blé. Tous deux aspirent à la même sérénité : être
dans le grain. Cette expression désormais passée de mode et qui signifie que l’on
est en bon chemin pour faire fortune révèle les bizarres hiatus de nos sociétés.
Car ceux qui fauchent le blé et ceux qui sont dans le grain ne sont pas les mêmes.
VERTICAL
« Méfie-toi de ceux qui se déclarent satisfaits, parce qu’ils pactisent »
déclarait René Char. Au SOC, on ne pactise pas – on se met en état de ressac
et on affronte avec vigueur et rigueur la Grande Tautologie, ce parasite à
l’alphabétisation sociale. Ne laissons pas les maquereaux affairistes prostituer
notre réalité en achetant nos mots, nos images, – bref, notre imaginaire.
L’imaginaire est un accumulateur d’énergie, de force et de résistance dont on ne
peut se départir. S’indigner ne suffit pas – que l’on se mutine et que l’on saborde
tout ! L’enjeu ? Exiger l’impossible pour interloquer le monde et les institutions. Ce
labour est inouï, infini peut-être, mais c’est le nôtre. Chacun sait bien que la vie
n’est pas linéaire. Mettons-nous en état de ressac !
- N°4
BIDULE
faisait sombre, surtout dans les coins, au fond, là où nos yeux, encore éblouis par la blancheur du
soleil, ne discernaient pas grand-chose, sinon un amas de bibelots. La pièce était grande, mais
tellement bondée qu’elle semblait pleine à craquer. Entre la foule qui s’engouffrait par les trouées
murales qui servaient d'entrées et les bricoles accumulées çà et là, l'enfant que j'étais croyait y
voir toute l'humanité. C'était comme si on s'était donné rendez-vous sans le savoir. Et il y avait de
quoi. Même en y venant pour rien, on repartait avec tout ce qu’il fallait : un bon mot, une attention
des tenanciers, un regard émerveillé par ce cabinet de curiosités et parfois, un achat en pure
perte.
- N°5
RÉSERVOIR
le shérif est parti
j’ai les oreilles qui sifflent mon chien les quatre fers en l’air et moi les mains liées
dans les halos à quatre pattes
il danse baril du ventre son corps est une citerne retournée
dormir sur la paille
quelques billets sous l’oreiller
sur le pallier sécher dans la nuit ce qui suinte
ils ont fait une descente harmonica au poing village abandonné
moi j’envie mon chien qui se dévide sur des kilomètres
dans le désert vessie traînée devenue lanterne
- N°6
DÉRIVES, COURANTS,
AVARIES
si les moutons noirs et les brebis galeuses ne suivent pas le courant c'est qu'ils ne savent pas
nager
si la dérive est à l'arrière c'est que les derniers sont toujours les premiers à dériver
si le seau est percé matelot écoper, écoper écoper ne fait que retarder
l’avarie
- N°7
SUR LE CUL
enfoncée comme un HLM
dans le béton et sur le dos lourd
d’un tabouret jaunissent mes paroles
les dents de tabac élimées
sous l’ampoule à douille les fils du cerveau ne se touchent pas
– au mieux ils se chatouillent –
assis derrière un abat-jour la lumière
l’horizon se réduit
dans les rayons du supermarché
jaune la ligne de confidentialité
au guichet à la pompe le pétrole
gras sur les mains les cheveux
contrefaits
sur le cul je me réveille : j’ai vu l’Homme dans mon sommeil
- N°8
LABOUR 2023
[passage à une parution annuelle, non thématisée]
Tout c’est trop. Mais d’Umour nous n’avons jamais assez pour éclairer le monde. Dans la lignée de Rabelais s’amusant à jouer sur le sens du verbe capere pour faire entendre « prendre par la force » plutôt que « saisir par l’intelligence » ironisant sur les leçons divines d’ordre spirituel, LE SOC se veut une joyeuse – et parfois mélancolique – invitation à la plus cynique vitalité incarnée par le rire franc, le rictus ambigu ou le ricanement en-dedans.
Comprenne qui peut.
- N°9
LABOUR 2024
Poussez pas au cul, il y aura du turbin pour toutes les mains. C’est qu’ils nous ont fichu le terrain en vrac avec leurs sagouineries. Va falloir remettre tout ça d’équerre.
Ils manquent pas de souffle les escamoteurs de guerre avec les bombardements bidonnesques, les obusiers ogresques, les drones pas drôles… je manque de cœur pour lister les méfaits. La terre se nourrit de jour comme l’estomac de pain. Depuis des siècles on lui balance des poubelles, des chiffres, des munitions. V’là que je deviens militant, je vais me recentrer sur mon bon sens paysan. La jachère ça leur dit rien ? Faudrait songer à laisser les sols se reposer sinon on va se retrouver marrons.